Il était Team Manager, son témoignage
Un enfant de 10 ans vient encore de mourir à cause de l’imprudence et de l’esprit colonialiste des participants à cette épreuve ! Dans les statistiques publiées, on ne parle que des concurrents morts pendant cette course… 25, c’est déjà énorme ! Mais si on devait ajouter les enfants blessés, décédés… à quel chiffre en serait-on ?
En 1985, alors que j’étais jeune et con, j’ai moi même participé au Paris-Dakar en tant que team manager. C’était mon premier contact avec l’Afrique et je croyais m’engager dans une aventure humaine. J’ai malheureusement vite déchanté… Les grandes écuries de constructeurs commençaient à arriver et les enjeux étaient importants, tant médiatiques que financiers. Malgrès les recommandations de Thierry Sabine, peu de pilotes « levaient le pieds » lors de la traversée des villages ou des zones peuplées, et je n’ai jamais entendu parlé d’un concurrent disqualifié pour avoir renversé un enfant ! La course continue… Lorsqu’un motard meurt pendant une étape, on avance l’heure du départ suivant pour respecter une minute de silence à sa mémoire et on neutralise l’étape du jour… Pourtant ce motard savait à quoi s’en tenir en tant que professionnel de la compétition. Lorsque l’on l’on tue un Africain, on ne s’arrête même pas !!! Le chrono tourne, et… on a peur de se faire lyncher par la population…
Petites anecdotes démontrant l’état d’esprit des organisateurs :
– Lorsque j’ai pris par à cette épreuve, toute la nourriture, toute la boisson (et une partie des carburants) étaient importés de France, par Africatours, à l’époque. Le bivouac était organisé de manière à ce que les population locales n’en tirent aucun profit, si ce n’est celui de ramasser les barquettes alu vides et les canettes abandonnées…
– L’organisation n’a jamais accepter de ramasser les épaves de voitures et motos accidentées, arguant même que cela pouvait servir aux populations autochtones, spécialistes de la récupération… L’Afrique doit être une poubelle ! Le même comportement en France est passible de fortes amendes.
– Je ne parle pas des conseils que Thierry Sabine donnait aux concurrents lors du premier briefing, concernant les mises en garde contre les populations des pays traversés…
Une note positive, bien que personnelle. Ayant du abandonner la course assez rapidement, je la poursuivais à mon rythme et pu découvrir ce continent auquel je me consacre depuis dans une toute autre idée, celle du partage des cultures et des valeurs de l’Afrique avec un public français encore plein d’idées reçues et d’appréhensions.
Continuez votre lutte. Les « canonballs » sont depuis longtemps interdits aux Etats-Unis et en France, et les participants à ces épreuves illicites sont passibles de peines de prison. Mais l’Afrique est un si pratique terrain d’essai…
Bertrand Dubanchet
Association Mémoires et Cultures Orales.