Entre rêves et réalités

Depuis vingt-huit ans que Thierry Sabine a réalisé pour la première fois son rêve de course automobile à travers les sables de l’Afrique du nord et de l’ouest, le Dakar soulève chaque hiver la même polémique quand la fureur de son sillage laisse des morts sur la piste. Des pilotes et des spectateurs. Encore trois tués cette année, quarante-huit depuis l’origine de l’épreuve. C’est trop, beaucoup trop et l’on ne peut que partager l’émotion et l’indignation de ceux qui crient : « Assez ! »
Faut-il pour autant arrêter le Dakar ? Envisagerait-on un instant d’interdire toute circulation automobile parce que l’implacable évidence des statistiques annonce autour de 5 000 morts dans l’année sur les routes de France ? Personne n’y songe, pas plus qu’il n’est proposé d’interdire les Grands Prix de F1 ou le Rallye de Monte Carlo au motif que se profile un peu plus chaque jour la possibilité d’un monde sans pétrole.
Du pain et des jeux, l’homme est ainsi fait qu’il ne saurait vivre sans chercher perpétuellement à repousser les limites de ses capacités, au péril même de son existence, et à faire de cette prise de risque un grand spectacle. Des gladiateurs aux Jeux Olympiques contemporains, l’homme a raffiné l’art de mettre en scène le théâtre de son combat contre lui-même et entre soi. Ainsi va toute vie dont la plus fidèle compagne est la perspective d’une mort inéluctable. Les enceintes des matches de football sont heureusement moins sanglantes que les arênes romaines. Pourtant, des tribunes s’effondrent, des bateaux de course font naufrage, des cordées se perdent encore sur les plus hautes cimes.
Le Dakar est aussi inutile que les championnats de football, le Vendée Globe ou la Vasaloppet, sauf que, faibles humains que nous sommes, la vie nous serait bien ennuyeuse si rien de tout cela n’existait.
Dans un débat épique dans les pages sportives du journal, mercredi 18 janvier 2006, avec Michel Urvoy, chef du secteur économique et social d’Ouest-France qui réclame « qu’on ensable le Dakar, spectacle d’une France pleine aux as qui empoussière les esprits plus encore que les yeux », Jean-Claude Virfeu, reporter sportif du journal spécialiste des sports mécaniques, plaidait pour que « ce rallye-raid, épreuve fantastique pour ses participants, continue de faire rêver ceux qui la suivent d’Europe. »
Alors, il faut sécuriser le Dakar, limiter sans aucun doute la puissance des machines, redoubler d’efforts pour mieux préparer les concurrents et mieux informer les spectateurs. Mais il est temps surtout de cesser de porter sur ce continent africain des regards hypocrites.
Non, ce n’est le spectacle d’une aventure automobile qui épuise et pervertit l’Afrique, mais le pillage de ses ressources, le détournement de ses cerveaux, l’incontrôle de la maigre part de gâteau qui lui est consentie sous les noms d’aides ou de subventions, la corruption tolérée, le commerce « équitable » empêché, l’immigration et le tourisme sexuels acceptés, l’assistance médicale limitée.
Tous ces vrais maux, encore énumérés au Forum social de Bamako, font moins de bruit aux journaux de 20h qu’un mort sur la piste du Dakar … ou qu’une baleine asphyxiée dans la Tamise. Une mort évitable est toujours regrettable. Mais les œillères dont nous couvrons nos regards face aux réalités de ce monde africain en perdition, cela se nomme comment ? Un crime contre l’humanité dont nous sommes collectivement co-responsables. Un crime contre l’humanité qui ne déclenche même pas une bonne polémique annuelle, c’est dire combien nous en faisons réellement peu de cas.
Par Didier PILLET, lundi 23 janvier 2006 Ouest France
http://blog.ouest-france.fr/index.php/?2006/01/27/19-le-dakar-entre-reves-et-realites
COMMENTAIRES

Humaniser le Rallye
jeudi 26 janvier 2006 à 15:37, par Arab Hamid (Le Mans)
En liminaire, je pose la question : qu’apporte concrètement le Rallye aux villages qu’il traverse telle une tornade ? En revanche je pense que pour les organisateurs, ce raid mécanique est une manne insondable, eu égard à la débauche de publicité qui « égaie » les véhicules et autres. Prenons le circuit à l’envers maintenant : est-ce l’Espagne et la France ou le Portugal accepteraient le passage de bolides venant du sud de la Méditerranée et traverseraient les paisibles villages de ces respectables pays aux mêmes pointes de vitesse qu’ils atteignent au Maroc, en Mauritanie et au Sénégal ? Non. Aucun politique ou organisateur de circuit sportif ne songerait, ne serait-ce qu’une seconde, à une pareille idée. On me rétorquera qu’il y a le Monte Carlo, etc. Oui, mais il faut reconnaître que les mesures de sécurité sont quasiment incomparables avec celles pratiquées pour le Rallye Paris-Dakar. Ce n’est pas seulement une question de performance ni de repousser les limites de la performance. Non, mais c’est une question également de respect des autres. Ce n’est pas parce que ces populations du Sud vivent sous des régimes par ailleurs pseudodémocratiques, donc à la merci de dérives qu’il serait fastudieux de citer ici, qu’il faut enfoncer encore plus le clou en cautionnant des équipées-spectacles de tout acabit. Outre les accidents maintenant habituels, il ya lieu de se poser la question de l’impact de ce rallye sur la nature ? Ce rallye (même si cela paraît excessif) me fait penser un peu aux émirs de certains pays moyen- orientaux qui venaient chasser dans le sud algérien avec leur tout-terrain et des armes sophistiquées la gazelle ou l’outarde houbara, des espèces rares et protégées.
Je pense qu »il faut repenser ce rallye afin qu’il ne soit plus une tournée de « plaisir  » et de sensations fortes pour quelques richissimes sportifs ou publicitaires. L’humaniser et en faire un trait d’union entre les peuples de la Méditerranée.

Dakar, la goutte d’eau qui fait déborder le désert
samedi 28 janvier 2006 à 09:18, par Jacques Guezenec (Longjumeau)
Dans votre article, vous semblez justifier le Dakar par le fait que si l’on supprime cette épreuve, on devrait aussi supprimer les autres sports qui provoquent des décès (et même la circulation automobile).
Le problème est fort différent. Le Dakar fait beaucoup plus de décès par épreuve que n’importe quel autre épreuve (automobile ou non) .
Pour prendre les cas les plus proches, ceux de la formule 1 et ceux des Rallyes automobiles du championnat du monde, les accidents entraînant mort d’homme sont en fait très rares.
Par ailleurs, les sports comme la F1 ou les Rallyes sont très médiatiques (donc plaisent aux spectateurs et téléspectateurs). Pas le Dakar.
Quelles sont les raisons d’exister du Dakar aujourd’hui ? Le rêve d’aventure d’une poignée d’hommes riches ! Si j’osais, je comparerais cela à de la téléréalité : faire parler de soi (et en plus, cela ne marche pas !) : c’est de l’egocentrisme au détriment des habitants de ces régions à al dérive (que cet argent leur soit donc directement alloué !) , et un contre exemple d’un monde altermondialiste et écologique

Paris-Dakar : arrêtons le massacre ! (rappel du communiqué des verts)
samedi 28 janvier 2006 à 10:39, par herrou jacques (plestin les greves)
lundi 16 janvier 2006
Imagineriez-vous une épreuve « sportive » dans nos campagnes bretonnes qui, en 25 ans, aurait fait quelques dizaines de morts, concurrents et spectateurs confondus, et qui serait toujours télévisée et sponsorisée ?
Non, bien sûr !
Alors pourquoi le « Paris-Dakar » qui vient encore de tuer un motard et un petit guinéen existe-t-il encore ? Cette épreuve n’aurait-elle pas quelques relents nauséabonds de racisme et de néocolonialisme ?
La promotion de la vente de 4×4 polluants et dangereux exige-t-elle de ravaler l’Afrique au rang de décor publicitaire ? Dans quelques années, la loi exigera-t-elle que nos enseignants classent le « Dakar » parmi les apports positifs de la colonisation française ?
Un peu de décence, arrêtons le massacre !lesvertsbretagne.org

Il y en a aussi en France
samedi 28 janvier 2006 à 11:53, par Michael (Maurepas)On tape sur le Paris-Dakar, mais il y a aussi régulièrement des morts chez les spectateurs dans les rallyes-raides organisés en Europe. Ce n’est pas pour autant que les courses sont annulés.
Quand il y a eu comme dans certains stades des morts, on a pas arrêté les matchs de foot.

oui mais….
samedi 28 janvier 2006 à 18:33, par besnier louis (grasse) au Monte Carlo les spéciales sont annulées s’il y trop de spectateurs ou si la sécurité n’est pas assurée.

la honte !
lundi 30 janvier 2006 à 15:05, par GULCZ MARIE ANNICK (CARDROC)
Tuer des enfants pour le divertissement d’Européens qui, bien sûr, ne toléreraient pas que des véhicules traversent leurs villages ou villes à des vitesses criminelles, cela relève du racisme primaire. C’est comme si on disait: la vie d’un enfant de là-bas ne vaut pas celle d’un petit Européen. Il faut arrêter de regarder le Dakar et les journaux devraient aussi arrêter de le couvrir. M-A. G

Encore combien de victimes collatérales ?
lundi 30 janvier 2006 à 18:35, par EVEILLE xavier (PLOUHINEC)
Encore combien de morts faudra-t-il attendre avant de sérieusement repenser le Paris-Dakar ? Combien de victimes collatérales ? Quel est le quota acceptable ? Je pense que l’inacceptable a été franchi depuis longtemps. Je pense aussi qu’il est de la responsabilité des organisateurs de renforcer plus que sérieusement la sécurité, de baliser le parcours de barrières s’il le faut, même si cela fait moins raid « nature » ou raid « sauvage ». Je rejoins totalement M. Hamid : je m’apprêtais à écrire un peu la même chose que lui : comment percevrions-nous la venue d’un rallye américain à grand renfort de publicité qui vendrait chaque année écraser un spectateur voire plusieurs ? Je ne pense pas que la France autoriserait la reconduction d’une telle épreuve.

Dakar pourquoi pas mais sous conditions
mercredi 01 février 2006 à 10:26, par GOUPY Gilbert (SAINT-HERBLAIN)
Pour l’heure le Dakar n’est qu’un joujou pour riches en mal d’aventures « encadrées quand même », mais sans avantages pour les populations des pays traversés.
Daniel Balavoine avait au moins saisi l’opportunité qu’il avait de traverser ces pays et usé de sa notoriété pour les aider.
Le Dakar retrouvera grace et popularité lorsque, en plus de la sécurisation du parcours, l’organisation en profitera pour apporter son aide à ces populations.
Il faudra bien inclure un jour une notion de partage, sans quoi il naîtra des sentiments d’incompréhension voire d’envie justifiée envers des « riches » qui viennent narguer les pauvres, eux qui n’ont souvent même pas le minimum.
Cordialement

Et si…….
vendredi 03 février 2006 à 10:23, par Eric BERTHENAND (LOCMIQUELIC)
Il est vrai que l’on n’a jamais vu de concurrents du Dakar cracher sur les spectateurs.
Il est vrai que les spectateurs ne se battent pas entre eux pour telle ou telle couleur de voiture
Il est vrai que dans le Dakar on n’entend pas (encore) parler de dopage
Il est vrai que personne ne parle de coter les concurrents du Dakar en bourse.
Et si on rendait cette aventure aux amateurs pour qui gagner n’est pas un signe de réussite professionnelle?
Et si on gardait les véhicules de Monsieur tout le monde (à part la sécurité, renfort d’habitacle,…) avec un minimum de pièces de rechange?
Et si on imposait des temps mini d’étape avec plus d’épreuves de navigation et de pilotage en terrain difficille (zone de franchissement, forts dénivelés, ….)?
Et si on raccourcissait les spéciales (car cela reste aussi une course) pour pouvoir gérer plus facilement la sécurité des spectateurs??
Et si on sponsorisait davantage les sacs de riz, équipements scolaires, ….
Et si on réfléchissait un peu en ménageant toutes les susceptibilités?
Et si on se disait qu’il y a certainement un terrain d’entente entre le pour et le contre??

Suppression pure et simple
lundi 06 février 2006 à 18:50, par GAUTRON Henriette (Larmor-Plage)
Nous avons été tellement outrés par l’accident survenu à cet enfant, que nous demandons la suppression pure et simple de ce rallye, ainsi que la suppression de tous les rallyes et courses automobiles. Ce n’est pas du sport, c’est un gaspillage éhonté de carburant. On crie après la diminution des réserves de pétrole, après la pollution atmosphérique et tous les médias publient des pages, diffusent des émissions pour encenser des vainqueurs qui ne se soucient absolument pas d’environnement du moment qu’ils gagnent des sommes énormes.
Pour en revenir au Dakar, nous avons été indignés par la réaction du vainqueur qui, voulant exalter sa victoire, a occulté le drame de la mort du petit garçon.
Je n’ai lu ou vu nulle part la douleur de sa famille, personne n’a parlé d’une compensation ! On n’ose pas penser au « tintouin » qu’auraient fait les médias si un des pilotes avait tué un petit Français ou un autre pilote.
Il est de notoriété publique qu’un enfant africain n’a aucune importance, « ils en ont tellement ! « . La passion de la vitesse l’appât du gain et le mépris d’autres civilisations rendent les humains « des loups pour les autres hommes ». Triste constat !